Louis Médard protestant

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La bibliothèque de Louis Médard renferme un univers de connaissances, de récits historiques, de créations littéraires et d'éditions raffinées. En même temps, elle nous révèle par fragments les goûts et la personnalité du collectionneur, jusqu'aux cordes sensibles de ses convictions religieuses. Par sa famille, versée dans le commerce depuis différentes générations, Louis hérite d'une appartenance et d'une identité protestantes jamais désavouées au cours de sa vie. Né en 1768, il devait ainsi connaître les temps de prohibition du culte réformé, mais également découvrir plus tard le nouvel élan d'une liberté de conscience et religieuse statuée par la Révolution française.

Religion « du livre » et du « libre examen », le protestantisme conforte le parcours éclairé de Louis Médard, initié très tôt à la lecture par son père Jean. Cette sensibilité l'accompagne dans une démarche personnelle remarquable : la constitution d'une belle collection à orientation encyclopédique et son acte de donation au profit des habitants de Lunel. Dans cette bibliothèque, une centaine d'ouvrages est directement liée à l'histoire protestante : quelles valeur et signification pourrait-on lui attribuer ?

À partir d'un simple déroulement chronologique du récit protestant, la bibliothèque de Médard permet d'évoquer les grandes dates, les personnages clés et les événements phares. Si son Grand catalogue s'ouvre avec « le livre par excellence », la Bible, quelques traités et publications de théologie donnent le ton du collectionneur exigeant, avec des exemplaires très rares du XVIe et XVIIe siècle. En marge de ses lectures, Médard annote et compile de longs commentaires : Sur l'influence de la Réforme puise, par exemple, dans des ouvrages de différents auteurs (Siguier, Capefigue et Robertson), alors que pour Luther, un « hercule de la pensée », il semble s'inspirer d'une définition du philosophe italien Giordano Bruno (1548-1600).

Après l'hommage appuyé aux acteurs de la Réforme, les conflits et la révocation de l'édit de Nantes, l'exposition sonde le terrain du « Désert ». En lien avec les signes de la clandestinité (bibles, coupes de communion, chaire), l'Histoire des troubles des Cévennes relate de la guerre des Camisards par les témoignages d'Antoine Court (1695-1760), pasteur qui réorganise l'Église réformée pendant l'interdiction. Confirmant le caractère mémoriel et intime de son fonds protestant, Médard introduit ainsi un ouvrage de Rabaut Saint-Étienne (1743-1793) : « En recevant, en 1783, de ce pasteur si doux des leçons affectueuses pour mon cours de religion, pouvais-je me douter que l'intime ami de ma soeur serait un jour mis a mort, et de la main du bourreau ? ». Le bibliophile ne pouvait qu'admirer ce défenseur des libertés et de la tolérance qui contribue à réintroduire les protestants dans la société française.

 

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