Le XVIIIe siècle est l'âge d'un savoir désormais universel et d'un effort de classement des différentes disciplines. Louis Médard participe de la même curiosité et de la volonté d'ouverture des Lumières : il s'agit d'un héritage culturel et intellectuel que nous voulons mettre en valeur à travers quelques traits saillants de sa personnalité.
Passeur
Dans ses notes manuscrites et dans ses démarches, Médard se montre très sensible à la question de l'éducation et de la transmission des connaissances si fortement encouragées par la philosophie des Lumières. À ce propos, on retrouve les traces significatives de son parcours de formation dans les
rayonnages de sa bibliothèque : son cahier avec des notes de lecture de l'Histoire des deux Indes de l'abbé Raynal, les Œuvres de Virgile, livre considéré comme son « premier ami »... Mais c'est le testament, rédigé en 1834, qui éclaire son rôle de passeur en phase avec les valeurs des Lumières.
« Je donne & lègue en toute propriété à ma ville natale de Lunel [...] avec promesse positive écrite [...] de maintenir en tout temps le Collège, de ne jamais dénaturer en rien ma collection de livres & d'en faire jouir les habitants de Lunel » : tout est dit !
Extrait du Grand Catalogue de Louis Médard
Croyant
Profondément croyant, le bibliophile ne manque pas de noter les filiations et les correspondances entre sa confession et les idées des Lumières, notamment l'esprit de libre examen. Dans sa note intitulée Sur l'influence de la Réforme, Médard juge que les protestants et encore plus les calvinistes ont provoqué de profondes transformations sociales avec la remise en cause des autorités établies. Par devoir de mémoire, sa bibliothèque renferme également quelques classiques de l'histoire protestante jusqu'aux curiosités grinçantes des caricatures anti-papistes et anti-catholiques.
D'autre part, la dimension de sa foi protestante résonne avec un fort réseau de connaissances et d'amitiés.
Renversement de la morale chrétienne, par les désordres du monachisme : enrichi de figures, XVIIIe siècle
Ami et compagnon
« Bienveillance envers les autres hommes » : ainsi définie dans l'Encyclopédie de Diderot, la sociabilité compte beaucoup pour l'affirmation personnelle de Louis Médard. Une amitié forte l'unit au poète Auguste Rigaud avec qui il entretient une correspondance de 1816 à 1835. Cet attachement se reflète aussi dans la bibliothèque de Médard : treize ouvrages du poète se retrouvent sur les rayons avec pour la plupart des dédicaces et hommages. À travers le travail du collectionneur, nous pouvons entrevoir des liens se tisser. C'est le cas de l'helléniste Jean-Baptiste Gail (1755-1829), conservateur de la Bibliothèque royale, qui aida Médard à se procurer des manuscrits médiévaux rares. Bibliothécaire du Dépôt de la marine, Maurice Angliviel (1779-1876) devient son homme de confiance et lui sert d'intermédiaire. Parmi ses soutiens littéraires à Paris, nous trouvons également Émile Mariton (1794- 1839), archiviste à la Couronne, aussi connu sous le nom de Benoît-Mariton. Médard le sollicite pour des copies d'ouvrages manuscrits conservés à la Bibliothèque nationale.
Auguste Rigaud, Poésies d'Auguste Rigaud, 1820
Entrepreneur
Représentant un grand facteur de croissance au XVIIIe siècle, le commerce est de plus en plus considéré positivement comme un fondement de l'économie. De ce côté, le Médard entrepreneur passe par l'apprentissage du métier de tisserand à Lyon (contrat de 1786, inséré dans une de ses bibles) avant de trouver sa voie professionnelle dans le négoce de tissus imprimés. Il s'agit des fameuses indiennes, toiles de coton aux couleurs chatoyantes, importées des Indes puis imitées en Europe. Ainsi, vers la fin du siècle, il prend une place dans la société Lafosse, Lionnet et Médard, basée à Montpellier, qui commercialise à son nom (le chef de pièce de la Chasse au sanglier ici présenté) des toiles produites à Nantes. En 1801, Médard s'associe à l'ami bibliophile Jean Parlier et parcourt le continent à la recherche des meilleures matières et des motifs les plus originaux, participant également aux grandes foires, à l'instar de celle de Beaucaire. En 1821, il met fin à ses activités de négociant pour se consacrer pleinement à la constitution de sa bibliothèque.
Tenture La chasse au sanglier, toile de coton imprimée
Manufacture de Favre Petitpierre et Cie, Nantes
Fin XVIIIe siècle (collection privée)