Un papier de marbre !

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Aux origines incertaines et marquées par des récits légendaires, l'art de la marbrure sur papier serait née au XIIe siècle au Japon. Le suminagashi, l'« encre qui flotte sur l'eau en mouvement », permettait de fixer un dessin sur le papier grâce à l'utilisation d'un produit gras. Cette technique, qui précède le marbré, était destinée principalement aux papiers pour la calligraphie et la correspondance. Cependant, quelques sources écrites attestent d'une production de papier marbré en couleurs déjà au Xe siècle, en Chine.

De l'Extrême-Orient, suivant le chemin emprunté par la diffusion du papier, on retrouve l'art de la marbrure en Perse et dans l'Empire ottoman, où l'univers du livre connaît un grand développement au XVIe siècle.

Support de l'écriture de poèmes et de la calligraphie, parfois associé à l'enluminure, le papier marbré est alors défini « art du nuage » (ebrû), présentant une spécificité technique : les pigments interagissent dans une eau épaissie avec de la gomme adragante. Quant aux motifs, ils sont créés à l'aide de peignes et de bâtonnets.

Ces feuilles commencent à circuler en Europe et deviennent des objets de collection dans les albums des voyageurs : il s'agit de papiers turcs qu'on commence à appeler « papiers marbrés » (dès 1607) par analogie avec l'aspect veiné du marbre. Surtout destinée au livre et à la reliure, une grande production s'affirme en Allemagne et en France, avec une profusion de motifs : peigne, caillou, tourniquet, ramages, chevrons ...

 

 

 

Les papiers marbrés de la collection de Louis Médard

 

Le motif CAILLOUTE
 

 

Le motif à CHEVRONS
 

 

Le motif COQUILLE
 

 

Le motif PEIGNE
 

 

Le motif FEUILLE DE CHENE
 

 

 

Au XVIIIe siècle, l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert vulgarise pour la première fois les particularités du procédé dans les articles « Papier marbré » et « Marbreur de papier », assortis de deux planches encore très parlantes sur le métier.

Des nouveautés s'affichent à l'époque romantique, au niveau des dessins (oeil de chat, scrotel ou petit caillou) et des couleurs éclatantes dues aux avancées de la chimie. Suit une production de plus en plus importante et une mécanisation (des machines à marbrer sont introduites au début du XXe siècle) qui appauvrissent la valeur artisanale de la marbrure du papier.

 

Marbreur de papier dans Recueil de planches sur les sciences, les arts libéraux, et les arts méchaniques ...,
tome 5, Paris, 1765
Gravure sur cuivre de Robert Benard
Collection privée

 

C'est à partir des années 1970, que le métier se renouvelle et s'ouvre dans le monde entier à différentes expérimentations.

Au delà du livre, la marbrure se fait peinture, décoration, accessoire de mode... Cette vitalité, mise à l'honneur au musée Médard avec Feuilles et merveilles, est célébrée à sa manière par l'artiste des mots Jean-Noël László, en collaboration avec les mains expertes de Marianne Peter.

Une belle vitalité qui surprend et ne fait pas... « rester de marbre » !!!

Oeuvre de Jean-Noël László