Louis Médard et le goût du livre

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Le cabinet Médard expose la collection complète léguée par Louis Médard à la ville de Lunel. Environ 5000 volumes sont rangés dans les armoires d'origine. À l'occasion des 250 ans de la naissance du bibliophile, des focus ont été réalisés dans les armoires où sont rangés les livres afin de présenter les particularités d'un livre ancien et les goûts du collectionneur.

 

Bibliophilie et bibliomanie

La bibliophilie connaît un véritable essor au XVIIIe siècle. Le mot de « bibliophile » est rapidement associé à celui de « bibliomane », qui a une connotation négative. La bibliomanie (« la fureur d'avoir des livres et d'en ramasser » selon l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert) est vue comme la perversion de la bibliophilie, pratique centrée sur l'aspect matériel et esthétique du livre et sur sa rareté.
Médard a le souhait constant de se démarquer de l'attitude d'un bibliomane. Le fait qu'il ajoute des préfaces et des notices à ses ouvrages ne serait-il pas la preuve qu'il lit ses livres et s'intéresse à leur contenu, au contraire du bibliomane qui amasse de façon frénétique les livres pour leurs seuls aspects  matériels ?
Dès la fin du XVIIe siècle, la bibliophilie s'appuie sur un système de valeurs et d'exigences, telles que la rareté, l'esthétique, l'état de conservation, la correction philologique et la « complétude », pour sélectionner les livres qui entreront dans les collections. Au XVIIIe siècle, le progrès de l'alphabétisation, l'augmentation de la production imprimée et l'émergence des librairies favorisent la multiplication des bibliothèques, constituées pour la plupart avec une visée encyclopédique.
En même temps, se multiplient les ventes publiques de livres accompagnées de la rédaction de catalogues de ventes. Éditeurs et libraires deviennent des figures emblématiques de la bibliophilie, en publiant jusqu'au XIXe siècle des ouvrages devenus références.

 

La rareté pour Louis Médard

Bibliophile rigoureux et passionné, Louis Médard est naturellement attiré par la rareté des documents et ses notes manuscrites regorgent d'appréciations dans ce sens : « édition rare et estimée » ou « très recherchée », « rare » pour le format ou le papier ou encore pour l'intégralité de l'ouvrage.
À la recherche de l'objet convoité et presque introuvable, le collectionneur est également séduit par une rareté qui rime souvent avec beauté, suivant un filon bien affirmé de la bibliophilie du XVIIIe siècle. Ainsi, Médard ne peut pas manquer les éditions de luxe de Jean de la Fontaine ou les raffinés petits formats illustrés par les meilleurs graveurs. De ce fait, il cumule les tirages limités de livres avec plusieurs états des gravures (état de l'eau-forte, état avant la lettre).
Comme tout bibliophile, Médard échange à bon profit ses livres (sauf les manuscrits) et pousse encore plus loin sa pratique pour les personnaliser et les rendre uniques. « Monsieur Médard n'aimait pas seulement les livres en philosophe, il les aimait en artiste », nous témoigne Paulin Blanc, bibliothécaire de Montpellier (1841). Sa galerie de « bijoux précieux » renferme plusieurs livres truffés, c'est-à-dire enrichis de pièces complémentaires : lettres autographes (Voltaire, Montesquieu, Buffon, Rousseau...) et même reliques de grands personnages (Jeanne d'Albret, Napoléon). Ces petits trésors sont souvent le « souvenir de tendres affections », comme la mise en couleur d'un volume d'illustrations par la jeune fille de l'ami Émile Mariton.

 

Vues de la vitrine consacrée à la bibliophilie et à la rareté